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Activité 2 : cerner le point de vue de l’auteur en cours de lecture (150 minutes)

 

La deuxième activité met en lumière la déshumanisation du peuple constatée par le condamné. Cette constatation est en fait le point de vue de Hugo. Elle permettra de régler le problème de lecture : comment l’engagement social de l’auteur est-il perceptible dans l’œuvre ? L’activité visera à comparer des extraits du livre Le Dernier Jour d’un condamné présentant, d’un côté, la vision du condamné et, de l’autre côté, celui du peuple quant au sort réservé au prisonnier. La lecture de l’œuvre s’articulera avec un travail sur la langue, plus particulièrement, sur le lexique. Les figures de style et le vocabulaire connoté permettront de voir l’opposition entre les deux visions. Par exemple, l’hyperbole, une figure de style souvent utilisée par Victor Hugo dans son roman, montre la gravité de la peine de mort. D’abord, les élèves feront la lecture du premier chapitre pour prendre connaissance de la situation du personnage principal. Ensuite, l’enseignant fera lire les chapitres XLV et XLVIII[1] pour déjà leur présenter des passages engagés et enseigner le choix de vocabulaire, car l’image donnée à la déshumanisation du peuple est un fil conducteur du livre. C’est là que le maitre pourra faire un enseignement explicite de la stratégie d’interprétation Je détermine ce qui révèle le point de vue subjectif et le ton de l’auteur. Le modelage pourrait commencer comme suit : Lorsque je lis un texte qui présente une opinion, je remarque qu’il y a des mots qui suscitent des images dans ma tête. Je tente de trouver ce que l’auteur a voulu dire en utilisant ces mots. Je remarque que ces mots sont souvent des adjectifs et des adverbes. Je sais que ces classes de mots aident à exprimer une opinion. Ainsi, je peux m’en servir pour cerner le point de vue suggéré par l’auteur.

 

Ce modelage permet à l’enseignant de « décrire toutes les manœuvres mentales qu'il effectue pour raisonner afin de fournir aux élèves suffisamment d'informations pour qu'ils puissent s'approprier le contrôle métacognitif des processus mis en œuvre dans l'application d'une stratégie » (Falardeau et Gagné, 2015, p. 4). En rendant la stratégie transparente aux yeux des élèves, l’enseignant favorise la maitrise de stratégies. L’enseignement explicite de la stratégie choisie servira de guide à l’analyse des chapitres XLV et XLVIII pour la suite de la lecture.

 

Après cet enseignement, les élèves continueront la lecture du livre à la maison jusqu’au chapitre XIII inclusivement. À ce point, il y aura un autre arrêt de lecture pour que l’enseignant permette aux lecteurs novices de participer activement à l’activité, tout en les guidant et en les encadrant au besoin (Cèbe, Goigoux et Thomazet, 2008-2009). Dans cet arrêt, l’enseignant fera remarquer aux élèves l’humanisation dont le condamné fait preuve dans le chapitre XIII. Cette humanisation est visible par le sentiment d’horreur du condamné, qui n’est pas partagé avec les autres prisonniers. En effet, ces derniers sont absurdes parce qu’ils s’amusent en attendant d’être guillotinés :

 

« Je me hasardai à l’[le geôlier] appeler et à lui demander si c’était fête dans la prison. - Fête si l’on veut ! me répondit-il. C’est aujourd’hui qu’on ferre les forçats qui doivent partir demain pour Toulon. Voulez-vous voir, cela vous amusera. / C’était en effet, pour un reclus solitaire, une bonne fortune qu’un spectacle, si odieux qu’il fut. J’acceptai l’amusement. » et « C’étaient les prisonniers, spectateurs de la cérémonie en attendant leur jour d’être acteur. »

 

Ces passages hyperboliques et métaphoriques prouvent que les autres prisonniers sont autant déshumanisés que les gens du peuple, contrairement au condamné a une vision plus humaine de la réalité. Après avoir travaillé la stratégie enseignée et l’opposition humanisation/déshumanisation dans trois chapitres, nous pensons que les élèves pourront développer leur autonomie en lisant le reste du livre. Pour les enseignants qui disposeraient de plus de temps, d’autres chapitres pourraient être travaillés sur le même thème. Par exemple, le chapitre XV montre la déshumanisation des médecins et infirmières de la prison. Quant au chapitre XXXIX, il expose la déshumanisation intrinsèquement liée à l’utilisation de la guillotine.

 

Après les arrêts de lecture, les élèves seront plus familiers avec le vocabulaire connoté et son rôle dans un écrit. Cette marque énonciative sera ensuite associée à la narration autodiégétique du récit pour que les élèves constatent que l’utilisation du JE est également une marque d’engagement de la part de l’auteur. Il faudra leur préciser que le JE représente souvent un narrateur fictif et ne reflète pas nécessairement l’opinion de l’auteur. Le texte de Hugo s’inscrit dans un contexte de production particulier, c’est-à-dire que la forme narrative était utilisée par les auteurs de l’époque pour faire une critique sociale. En effet, il n’était pas permis d’exposer son opinion politique au grand public. Le journal intime est ici la forme utilisée pour donner au texte une apparence narrative, mais il sert en fait à critiquer un aspect social, ce qui relève plutôt de l’argumentation. Par ailleurs, Hugo précise lui-même que l’écriture de son oeuvre servait à faire passer son message sur la peine de mort. Des questions comme : qui est dégouté par la cruauté du peuple ? Considérant ce que vous connaissez de Hugo et du condamné, qui est le JE ? Qu’est-ce qui vous le fait dire ? pourront aider les élèves à mieux percevoir l’idée générale de l’opposition entre l’engagement social de l’auteur et le désengagement du peuple.

 

[1] Même si nous avons travaillé à partir de deux parutions différentes de la même œuvre, tous les extraits utilisés sont tirés de celle de 2007, éditée par Chenelière éducation et dont la présentation de l’œuvre est faite par Chantal Saint-Jarre.

 

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